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Zéro Déchet Touraine

Mascarade de concertation à Chinon

Vie de l'asso – dimanche 18 février 2024

Andrea Stöckel. CC0 Public Domain

Si notre association se félicite de participer régulièrement aux réunions sur la future stratégie départementale de prévention et de traitement des déchets, elle déplore la manière dont ces réunions politiques continuent de se dérouler. Dernière déception en date : Chinon, 29 janvier 2024. On vous explique tout...

Déjà échaudés par plusieurs réunions particulièrement pénibles sous l’égide de l’ex-Vice-Président de Tours Métropole Val de Loire Benoist PIERRE, nous avons revécu la même situation avec Jean-Luc DUPONT, Maire de Chinon et Président de la Communauté de communes Chinon Vienne Loire.

L’invitation à la rencontre du 29 janvier 2024 promettait pourtant « un temps d’échanges » entre élus de collectivités et associations, recommandé par les rapporteurs de la Commission Nationale du Débat Public en amont de la définition du nouveau plan départemental de prévention et de gestion des déchets. Las ! Le rendez-vous s’est transformé, comme d’habitude, en un quasi monologue de la figure patriarcale du coin, en l’occurrence Jean-Luc DUPONT. Le débat était désorganisé, houleux, de mauvaise facture. Nous attendons de pied ferme la Commission Nationale du Débat Public pour mettre de l’ordre dans la concertation publique estivale à venir. Nous nous attachons ci-après à vous décrire les arguties avancées par M. DUPONT et le SMICTOM du Chinonais lors de la réunion pour tenter de nous vendre l’idée que dépenser 60 millions d’euros pour reconstruire un incinérateur dont on peut se passer serait bien meilleure que de le démanteler pour un coût environ 40 fois inférieur...

Le SMICTOM du Chinonais, meilleur que les autres collectivités sur les ordures ménagères ? Les dessous d’un écran de fumée.

Ah, les chiffres, ils ne mentent jamais ! Sauf, peut-être, sous la torture ! On peut alors leur faire dire n’importe quoi et nous en avons encore vu un exemple criant lors de cette réunion. Le SMICTOM s’est par exemple targué d’opérer sur un territoire qui produirait moins d’ordures ménagères résiduelles que le reste de la France : soit 213 kg par habitant et par an contre 254 kg par habitant et par an pour la moyenne nationale. Effet Gargantua ? Bon sens vigneron ? Non, simple manipulation grossière.

Selon son rapport annuel 2022 (page 44), le SMICTOM est en effet un syndicat classé comme opérant sur un territoire à dominante rurale[1]. Or, pour être pertinente, la comparaison des productions d’ordures ménagères entre territoires doit être effectuée, selon l’ADEME, entre territoires de même typologie. Sinon, cela reviendrait à comparer des carottes d’épicerie vrac à des choux fleurs de supermarché ! Lors de la réunion du 29/01/2024, donc, le SMICTOM a comparé ses performances à la moyenne nationale, toutes typologies de collectivités confondues, ce qui arrange évidemment son bilan. Car si l’on compare les chiffres du SMICTOM à ceux de territoires dits ruraux (chiffres ADEME 2019) on constate que ceux-ci produisaient déjà moins d’OMR en 2019 que le SMICTOM en 2022 : seulement 194 kg par habitant et par an en moyenne.[2] Avec ses 213 kg d’OMR collectées par habitant et par an, le SMICTOM a donc un bilan nettement moins bon que les territoires ruraux français comparables !

Notez au passage que sur le graphique qui nous a été présenté en réunion, les années ne sont pas indiquées, on comprend mieux pourquoi après enquête… Il s’avère que le SMICTOM compare ses données 2022 avec des données nationales… de 2017. En termes de manipulation on peut difficilement faire mieux !

Au moins, on ne pourra pas reprocher à Philippe Massard, Président du SMICTOM du Chinonais, de manquer de constance. En 2018, nous lui avions déjà volé dans les plumes à cause de son bilan maigrichon en terme de prévention des déchets (retrouvez l’intégralité de cette interview devenue mythique ici). Au rythme famélique de réduction des OMR qui était le sien (-0,9%/an) et même en tenant compte du faible accroissement démographique du territoire collecté, nous avions calculé qu’il faudrait au SMICTOM 110 ans (oui, 110 ANS !) pour réduire de moitié les tonnages d’OMR qui sont incinérés près de Chinon[3]. Face à cette interpellation, M. Massard nous avait répondu, très inspiré  : « La prévention, c’est accessoire. Ce n’est pas notre métier ». En partant, nous avions remis à son attention, l’article d’Antonin Pottier intitulé « Le discours climato-sceptique : une rhétorique réactionnaire » paru dans la revue Natures Sciences Sociétés, 21 :105-108 (2013). Histoire qu’il situe un peu mieux son discours dans ce monde en transition qu’il ne comprend manifestement toujours pas.

Une comparaison de données incomparables, une légende tronquée, voilà déjà une belle manipulation pour présenter le SMICTOM meilleur qu’il n’est et masquer un réel manque d’ambition et de portage politique dénoncé depuis des années par toutes les associations environnementalistes. Mais, parce qu’il n’y a pas de fumée sans feu, nous avons cherché à comprendre le but de cette présentation fallacieuse ...

Les dirigeants du SMICTOM et la CCCVL ne veulent pas d'une baisse significative des tonnages de déchets à incinérer

Lors de cette réunion, Hugo, notre Maître-Composteur et préventeur salarié, a rappelé que Zéro Déchet Touraine défend la tarification incitative (TI). Par méconnaissance du sujet et mauvaise foi, Jean-Luc DUPONT a affirmé que « l’équivalent de la baisse des ordures ménagères constatée en TI part dans la nature en déchets sauvages ». En tant que membre de la commission déchets de l’Association des Maires de France, il affirmait que des maires de l’Est de la France revenait sur leurs décisions de mise en place de la TI. Ces deux dernières affirmations sont juste … complètement fausses ! Les derniers travaux de l’ADEME sur le sujet sont clairs : les dépôts de déchets sauvages augmentent un peu au début mais se tassent au bout de quelques temps. Et il n’y a évidemment pas d’équivalence quantitative entre la baisse des OMR et ce qui est retrouvé dans la nature. De plus, les collectivités qui subissent le plus de déchets sauvages sont celles qui ont généralement peu de levées dans leur part fixe et/ou qui ont une tarification au poids et/ou celles qui collectent les ordures ménagères en point d’apport volontaire (plutôt qu’en porte-à-porte). Vous pouvez retrouver ces études ADEME ici (on compte sur vous pour les faire suivre à Jean-Luc, qui n’a peut-être pas accès à internet). Le choix de se comparer à l’Est de la France n’est pas le plus judicieux. Le bilan 2021 de l’ADEME en matière de tarification incitative montre en effet que les Régions Grand-Est et Bourgogne Franche-Comté font partie du top trois des Régions ayant le plus déployées la tarification incitative, derrière les Pays de la Loire (36,2 % d’habitants couverts en 2021). Loin devant la région Centre Val de Loire, et le département d’Indre-et-Loire. Chez nous, seuls 9,2 % des territoires sont couverts par la tarification incitative en 2021, selon l’ADEME. Nous sommes classés au 5e rang des Régions ayant le plus couvert sa population par la tarification incitative. L’objectif national est de couvrir 25 millions d’habitants en 2025 soit près de 37 % de la population. Comme d’autres Régions, la Région Centre Val-de-Loire s’est fixé un objectif similaire en voulant couvrir 38 % de sa population en tarification incitative effective en 2025. Un objectif que nous soutenons mais qui semble difficilement tenable sans changer de braquet fortement. L’objectif 2031 de la Région CVL est encore plus ambitieux (en fait l’objectif le plus élevé de toutes les Régions françaises) : atteindre 68 % de la population couverte en TI cette année-là.

On voit donc que la position défendue par M. DUPONT (avec un t, comme "Tout sauf la TI") est déjà obsolète et minoritaire. Elle le sera encore plus à l’avenir. Il s’agit d’une posture dogmatique et idéologique qui ne peut s'expliquer que d'une seule manière: il s'agit pour lui d'éviter une baisse significative d’OMR qui mettrait à mal le rendement de l'installation, le modèle économique de son exploitant et donc la viabilité financière d'un projet de remplacement pour le vieil incinérateur de Saint-Benoit La forêt. Celui-ci est en effet tenu par contrat de fournir de l'énergie au centre hospitalier de Chinon via un réseau de chaleur. Qu'en 2029 et pour les 30 prochaines années on puisse produire de l'énergie autrement qu'en brûlant des déchets semble ne toujours pas être envisageable par les édiles du chinonais. Ne leur parlez pas de panneaux solaires thermiques ou de biomasse, ils risqueraient un choc culturel.

Chassez la prévention par la cheminée, elle reviendra par la grande porte !

Pour atteindre ses objectifs, il faut s’en donner les moyens. Le SMICTOM du Chinonais et Touraine Propre ont annoncé lors de cette réunion que 5 € par habitant seront dédiés chaque année à la prévention… en 2029. Pouvez-vous vous réjouir que l’objectif prioritaire de la réglementation (la prévention) obtienne 5 €, mais pas tout de suite, alors que le reste (communication, collecte, traitement…) reçoit déjà plus d’une centaine d’euros par an et par habitant ? Nous, non.

Car avec la tendance haussière du coût de collecte et de traitement des déchets (prix de l’énergie, inflation, augmentation programmée de la TGAP…), le budget de la prévention pourrait reculer à termes si on accepte que les collectivités figent ce chiffre à 5 €. Nous réitérons donc notre demande de raisonner en pourcentage de budget déchets des collectivités et syndicat et non en valeur absolue. Dans notre livre blanc, nous avions fait la demande de dédier à la prévention 5 % du budget des services publics de prévention et de gestion des déchets. Et ce dès 2026 et pas en 2029. L’année 2026 sera en effet celle des élections municipales et communautaires où vous pourrez sanctionner à loisir ces élus qui ne souhaitent pas que nous réduisions nos déchets. Nous rappelons que nous ne demandons pas la lune mais le respect de la loi, loi qui a été rappelée d’ailleurs lors de la réunion.

Dernière cocasserie de cette réunion, le SMICTOM du Chinonais s’est targué d’agir en annonçant qu’il mettrait en place des zones de réemploi dans ses futures déchèteries. En fait, c’est obligatoire depuis quatre ans, depuis la publication de la loi AGEC en février 2020 (article 57). Youpi, le SMICTOM serait un peu moins hors la loi, du coup.

Zéro Déchet Touraine veillera à défendre les consommateurs, les contribuables et les citoyens en cette année charnière pour les déchets du département. Car le SMICTOM et la Communauté de communes Chinon Vienne Loire ne sont pas les seuls à vouloir d’un incinérateur « flambant neuf » : Tours Métropole Val de Loire est en effet séduite par l’idée d’avoir sa propre unité d’incinération pour un coût modique de 80 millions d’euros. Disons-le d’emblée : les tenants de ce projet à double foyer font preuve d’une particulière myopie...

2 incinérateurs en Touraine ? Pas en notre nom !

En portant la prévention des déchets à des niveaux enfin ambitieux comme la Loi l’exige, il est parfaitement réaliste de postuler que l’une de ces deux structures sera de trop dans quelques années. D’autres communautés, confrontées au même problème l’ont fait, comme Capanori, alors pourquoi pas nous ? Aux côtés des autres associations de protection de l’environnement, nous ferons en sorte que les porteurs de ce double projet déraisonnable… se brûlent les ailes.

Hugo MESLARD-HAYOT et Sébastien MOREAU

Sources :

ADEME, 2024. Bilan des collectivités en tarification incitative au 1er janvier 2021. [https://librairie.ADEME.fr/dechets-economie-circulaire/6772-bilan-des-collectivites-en-tarification-incitative-au-1er-janvier-2021.html]

Odile POULAIN (ADEME), Julien BOUZENOT et Aude CARTOUX (Rudologia), Novembre 2021. La collecte des déchets par le service public en France en France en 2019 : résultats clés et zooms thématiques, 46 pages. [https://librairie.ADEME.fr/dechets-economie-circulaire/4804-la-collecte-des-dechets-par-le-service-public-en-france.html]

SMICTOM du chinonais, 2023. Rapport annuel 2022 sur le prix et la qualité du service du SMICTOM du chinonais. [https://SMICTOM.com/rapports-annuels/]


[1] Il y a une cinq catégories de classement ADEME : rural, mixte rural, urbain, urbain dense, touristique ou commercial.

[2] Les dernières données en 2020 ne sont pas représentatives car c’était une année impactée par la COVID.

[3] A l’incinérateur de Saint-Benoit La Forêt


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