L’inacceptable opposition de certains élus d’Indre-et-Loire au PRPGD
Mise à la une – jeudi 2 août 2018
Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises le retard pris par certaines collectivités d’Indre-et-Loire en matière de compostage partagé, de collecte à la source des biodéchets, de tri dans les espaces publics, de lutte contre les déchets sauvages ou de tarification incitative... Voici une nouvelle illustration du conservatisme dont font preuve certains élus du département pour préserver leur fonctionnement habituel, fusse-t-il inapproprié. Les anglo-saxons appellent cela « Business as usual », business qu’il s’agit précisément de bousculer pour mettre en œuvre la transition écologique désormais nécessaire à la création d’un million d’emplois nouveaux (version optimiste) ou à la simple survie de l’humanité (version pessimiste).
Le PRPGD, un projet d'avenir à défendre
Après un an de large concertation, à laquelle nous avons activement participé, et au terme d’un travail de recueil et d’intégration de plus de 350 remarques ayant conduit à amender substantiellement le texte d’origine, la Région a soumis au vote d’une commission consultative, le 18 mai dernier, son projet de Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) modifié.
Ce plan constitue une avancée très importante en matière de prévention et de gestion des déchets. Il augure une ère nouvelle en soutenant des solutions à la fois plus efficaces, plus responsables et plus respectueuses de l’environnement. De notre point de vue, les principaux points forts de ce plan concernent notamment :
- le déploiement des Programmes Locaux de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés (PLPDMA) et des démarches de type Zéro Déchet Zéro Gaspillage (ZDZG) sur l’ensemble du territoire;
- la généralisation du tri à la source des biodéchets, qui devront tous être traités par compostage de proximité, par compostage sur plateforme collective ou par méthanisation au lieu d’être enfouis ou incinérés à partir de 2025 ;
- la mise en conformité des modes de gestion locaux avec la hiérarchisation des modes de traitement fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015) ;
- l’interdiction de construire ou de reconstruire des incinérateurs ;
- le rappel de la non pertinence de la création de nouvelles installations de Tri Mécano-Biologique (TMB) inscrite dans la Loi ;
- le contrôle du développement de la filière des combustibles solides de récupération (CSR), en interdisant notamment l’importation de CSR non régionaux afin de respecter le principe de gestion de proximité des déchets inscrit dans la Loi ;
- la mise en place d’un observatoire régional des déchets et de l’économie circulaire pour une plus grande transparence quant aux résultats obtenus par les collectivités en matière de prévention, de valorisation et de fiscalité ;
- la programmation d’une étude baptisée «Scénario prospectif régional Zéro déchet à l’horizon 2050 » qui lancerait l’ensemble du territoire régional sur une trajectoire ambitieuse à long terme.
Ce projet de plan a fait l’objet d’une construction collective associant représentants de la Région, de l'Etat et des organismes publics, des communes et des groupements compétents en matière de collecte et de traitement de déchets, des Chambres consulaires, des organisations professionnelles, des éco-organismes, des associations agréées de protection de l'environnement, des autres associations (dont la nôtre) et des personnes qualifiées. Il a recueilli l’avis favorable de 85,03% des participants (rapportés aux poids des différents collèges) à la commission consultative du 18 mai 2018.
Quelques collectivités rétives
Malgré ce plébiscite, il nous est pénible de constater que parmi les 10,81% d’opposants à ce projet prometteur et les 4,16% d’abstentionnistes, se trouvent des structures publiques bien connues d’Indre-et-Loire et non des moindres, ainsi que d’importantes agglomérations régionales (source : Région Centre Val de Loire).
Structures ayant exprimé un avis défavorable :
- Orléans Métropole
- Syndicat mixte Touraine propre
- Communauté de Communes du Romorantinais et du Monestois
- SMICTOM de Sologne
- SMIRTOM de la région de Montargis
- Communauté d’Agglomération Chartres métropole
- SMICTOM du Chinonais
- SITREVA
- Communauté de Communes des Terres du Val de Loire
- FNADE (fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement du CVL)
- SNAD (Syndicat national des activités du déchet)
- Chambre de Commerce et d’Industrie Régionale (CCIR)
- Chambre Régionale des Métiers et de l’Artisanat du CVL (CRMA)
Structures s’étant abstenues:
- Syndicat National des Entrepreneurs de la filière déchet (SNEFID)
- Communauté de Communes Touraine Vallée de l’Indre
- FEDEREC (fédération des entreprises du recyclage)
- Communauté d’Agglomération Châteauroux métropole
- Communauté de Communes région de Levroux (COCOREL)
Des conceptions dépassées sur des sujets importants
Tours Métropole Val de Loire s’est particulièrement illustrée : son représentant n’est tout simplement pas venu à la commission, confirmant ainsi le mépris publiquement affiché à l’égard de l’initiative régionale par le Vice-Président Jean-Luc Galliot, dont il nous avait fait part en avril dernier. Ceci s’explique en partie par le projet de création de nouveau TMB (non pertinent au regard de la Loi) porté par la métropole et que contrarie le PRPGD.
La lecture du compte-rendu de la commission consultative est très éclairante. En ce qui concerne le SMICTOM du Chinonais, ce qui ne « passe pas » concerne l’interdiction de reconstruire des incinérateurs. Or c’est précisément ce que son Président, Mr Massard, souhaiterait mettre en œuvre sur ce territoire :
« Mr Massard (SMICTOM du Chinonais) évoque la question de reconstruire un incinérateur sur son territoire, interdite par le projet de Plan, alors que ce sujet n’a pas été abordé dans les réunions précédentes. Il s’interroge sur l’impact des transports qui seront induits par cette clause ».
Heureusement, Charles Fournier, Vice-Président de la Région, délégué à la transition écologique et citoyenne et de la coopération, recadre le maire de La Chapelle-aux-Naux en le rappelant à ses responsabilités :
« Mr Fournier rappelle la surcapacité en région, ainsi que l’ambition et la responsabilité collective de ne pas continuer dans cette voie, en privilégiant la réduction des déchets ».
Mr Dattée (Maire de Saunay), représentant le syndicat mixte Touraine Propre (dont Mr Galliot est par ailleurs Président) n’avance quant à lui qu’une argutie technique pour tenter de masquer une posture dogmatique :
« Mr Dattée (Syndicat Mixte Touraine Propre) indique qu’il semble utopique de vouloir supprimer les biodéchets à 100% des OMr, notamment dans les habitats collectifs où subsistent des vide-ordures. Une clause devrait imposer la suppression de ceux-ci par les copropriétés ».
Sur la forme, considérer comme « utopique » une proposition de changement qui irait à l’encontre d’intérêts particuliers, fussent ceux d’une collectivité, est une figure de style assez classique des rhétoriques réactionnaires. Sur le fond, les sages de Touraine Propre ne peuvent feindre d’ignorer que les exemples réussis de collecte séparée des biodéchets en habitat urbain dense sont nombreux en France (voir par exemple le site de Compost Plus, réseau des collectivités ayant déjà mis en œuvre la collecte à la source des biodéchets). Par conséquent, il va de soi que la critique de la volonté régionale de retirer 100% de biodéchets des OMR, qui n’est évidemment qu’un cap idéal à suivre et pas un objectif gravé dans le marbre, révèle une posture dogmatique désormais dépassée.
L’abstention de la Communauté de Communes Touraine Vallée de l’Indre (CCTVI) est pour l’instant une énigme : son Vice-Président, Pascal Houlard, nous avait témoigné en octobre 2017 son intérêt pour la prévention des déchets et nous avait affirmé vouloir développer le compostage partagé sur ce territoire. Mieux, la CCTVI est partenaire d’un écofestival connu (Terres du Son)… Alors, le double-discours de la CCTVI: greenwashing et alignement timide sur les frondeurs chinonais et tourangeaux ou simple hésitation devant les implications techno-politiques de ce plan, au moment de changer d’échelle d’action ??
Côté revirements spectaculaires, on note la mise au point de la Chambre Régionale des Métiers et de l’Artisanat, dont le Président a affirmé après la commission qu’elle « soutiendrait la mise en œuvre du plan », bien que son représentant ait émis un avis défavorable à son encontre.
De même, nous retiendrons la volte-face de la Chambre de Commerce et d’Industrie Régionale, dont le président a désavoué, après la commission, les propos tenus par sa représentante. Celle-ci avait donné un avis défavorable au projet de plan au motif qu’il n’autorisait plus l’importation de déchets provenant d’autres régions pour un traitement en Région Centre Val de Loire. Seuls les déchets provenant de départements limitrophes seront acceptés, ce dont se plaignaient le SITREVA (syndicat intercommunal à cheval entre la Région Centre Val de Loire et la Région Ile de France) et la FEDEREC (fédération des entreprises du recyclage). Cet incident semble témoigner de la réelle crispation de certains acteurs devant la remise en cause du Business as usual.
Comprendre les conservatismes pour mieux les dépasser
Pour comprendre ces conservatismes et ces réactions au changement, il est important de garder à l’esprit que les personnes en responsabilité dans les établissements publics compétents en matière de prévention et de gestion des déchets exercent un mandat temporaire qui échappe largement à la sanction des urnes. En effet, on n’élit pas directement les VP déchets/environnement ; ils sont cooptés en interne parmi des élus désignés par les communes. Il n’est donc pas rare de constater des dérives autocratiques dans certaines structures publiques, ce dont se plaignent fréquemment en off les technicien·ne·s de collectivité, où les plus compétent·e·s ne sont malheureusement pas toujours celles et ceux qui décident. Les électrices et électeurs doivent donc être attentifs non seulement à ce qu’un·e ancien·ne candidat·e réalise en tant que Maire ou adjoint·e, mais aussi en tant que membre de conseils intercommunaux. Et elles·ils ne doivent pas hésiter à lui demander régulièrement de justifier ses décisions. En toute hypothèse, le « On fait comme ça car on a toujours fait comme ça » est une tautologie qui ne justifie rien.
D’autres élus s’en remettent bien volontiers aux préconisations de leurs technicien·ne·s. Or nombre de ces technicien·ne·s ont une culture professionnelle construite et ancrée dans la gestion des déchets (collecte, tri, traitement industriel…), qu’elles·ils considèrent comme leur cœur de métier. Bien qu’elles en perçoivent l’intérêt, ces personnes sont généralement moins à l’aise avec la mise en œuvre de mesures de prévention (animations scolaires, communication, compostage de proximité, ateliers ZD…), surtout si celles-ci ne bénéficient que d’un budget minimaliste. La plupart des collectivités et syndicats mixtes d’Indre-et-Loire consacreraient en effet à peine 1 à 2% de leur budget « déchets » à la prévention, ce qui est très insuffisant pour obtenir un effet significatif sur les tonnages annuels de déchets produits. D’où une tendance à rejeter intuitivement une hiérarchie des modes de traitement qui fait désormais de la prévention la première action prioritaire à mettre en œuvre (avant même le tri à la source des déchets), alors que ce poste est notoirement sous-doté en moyens humains, matériels et financiers depuis des décennies et donc jugé peu efficace.
Les représentations des uns et des autres sont au moins en partie responsables des dysfonctionnements des collectivités territoriales en matière de gestion des déchets, identifiés au niveau national par la Cour des Comptes en 2011. Il est d’ailleurs étonnant qu’aucune collectivité de la Région Centre Val de Loire n’ait été citée dans ce rapport (les mauvaises langues diront que c’est parce qu’il ne s’y passait rien) et révélateur que la Cour citait déjà positivement une étude sur la tarification incitative (page 162)...
En cela, le PRPGD de la Région Centre Val de Loire propose un réel changement de paradigme, en ne traitant que les déchets qui n’ont pu être évités, au lieu de chercher à réduire à la marge la production annuelle de déchets par des mesures de prévention quasiment symboliques à l’heure actuelle (stops-pubs et composteurs individuels distribués uniquement à la demande).
Les « personnes publiques » (Régions limitrophes, conférence territoriale de l'action publique, autorités organisatrices en matière de collecte et de traitement des déchets, Préfet) ont jusqu’en septembre pour se prononcer sur le projet de PRPGD qui ne sera adopté définitivement qu’en juin 2019. C’est donc le moment pour nous, électrices et électeurs, de leur faire comprendre l’intérêt et les enjeux de ce plan, qui va clairement dans le bon sens.
Quelques pistes d'actions citoyennes
Soyons réalistes, soyons militants : Rappelons à nos chers élus récalcitrants qu’ils ne peuvent pas, en démocratie, à la fois prétendre parler en notre nom et n’en faire qu’à leur tête !
Pour contacter Mr Massard et lui faire part de votre souhait de voir le SMICTOM du Chinonais soutenir le PRPGD et abandonner son projet de reconstruction d’incinérateur, c’est par ici.
Pour contacter Mr Dattée et lui rappeler que le syndicat mixte Touraine Propre doit soutenir le PRPGD pour rester un acteur crédible en matière de prévention de tous les déchets, y compris des biodéchets, c’est par là.
Pour inviter Mr Galliot à rendre la politique « déchets » de Tours Métropole Val de Loire compatible avec les recommandations et objectifs du PRPGD et à renoncer à construire un centre de TMB, c’est ici.
Pour encourager Mr Houlard à mettre en œuvre une politique « déchets » ambitieuse sur le territoire de la Communauté de Communes Touraine Vallée de l’Indre et à soutenir ouvertement le PRPGD, c’est juste là.
Ce ne sont là que quelques suggestions d’actions, nous vous invitons également à vous rapprocher de votre secrétariat de mairie qui vous indiquera les noms des élus de votre commune qui siègent à l’intercommunalité en charge de la prévention et de la gestion de vos déchets.
L’intégralité des documents de la CCES PRPGD du 18 mai (57 Mo) est téléchargeable depuis notre site internet.
Un grand merci à Valérie Breillad et à David Violleau, nos deux représentants à la Commission Consultative d’Élaboration et de Suivi du PRPGD, qui ont participé à la quasi-totalité des ateliers et des réunions d’élaboration du plan à Orléans ! Un grand merci également à nos bénévoles qui ont plaidé notre cause auprès de nombreux élus et techniciens du département et des membres du panel citoyen de la Région Centre Val de Loire.
Sébastien Moreau