14/01/2025 - La Nouvelle République : "Sur les marchés, des sacs « biodégradables » pas si écolos"

En 2017, les sacs plastiques à usage unique ont été interdits. Huit ans plus tard, où en est-on ? Ces emballages jetables ont-ils réellement disparu ? En parcourant les marchés de Tours, le constat est sans appel : la grande majorité des commerçants proposent des sacs. Sur les étals, on en trouve des compostables domestiquement ou industriellement, biodégradables ou vierge. Certains contreviennent à la loi, d’autres non, mais tous sont nocifs pour l’environnement.
Des logos qui induisent en erreur
Le mardi, sur le marché de la place Saint-Paul, les sacs plastiques ont la belle vie. Normalement interdits depuis 2017, certains marchands en proposent pourtant. « On a gardé l’habitude des sacs plastiques », explique Monsour, un revendeur de fruits et légumes qui, à l’approche d’un client, offre tout de suite un sac « réutilisable ». Pour bénéficier de cette mention, il doit mesurer au moins 50 microns.
D’autres sacs « biodégradables » à disposition des clients, suspendus en évidence sur les poteaux des stands, ont attiré notre attention. De couleur bleue, ils paraissent très épais et entre les mains, ils ont la même texture que du plastique. « Celui-là n’est pas bon. Le logo est OK Compost, pour un compostage industriel, et non pas le logo OK Compost Home, qui lui est pour le compostage domestique », certifie David Violleau, chercheur à l’Université de Tours, spécialiste des problématiques environnementales. « Il y a un paquet de logos dessus », continue celui qui est également vice-président de l’association ZérodéchetTouraine.
Les marchands en première ligne
Un autre vendeur de Saint-Paul, qui a souhaité garder l’anonymat, explique : « Un fournisseur vient sur le marché et on lui achète les sacs. Les clients les demandent. »Beaucoup de sacs semblent tout de même être conformes. Sur le marché de la place de Strasbourg, des clients emballent leurs légumes avec les sacs d’Alain Bresson. « On n’a pas le choix on est obligé d’utiliser ces sacs-là », confie le maraîcher de 65 ans. « Biodégradables », peut-on lire. Jacques, un client, n’avait jamais remarqué cette spécificité : « Je les mets à la poubelle jaune, au recyclable » raconte-t-il.
Des sacs pas vraiment écologiques
« Ces sacs se dégradent sauf qu’ils doivent contenir 60 % de matériaux biosourcés. Et quand j’entends ça, je vois surtout l’inverse, c’est-à-dire 40 % de matériaux issus du pétrole »,insiste le professeur chimiste de formation.
Selon un décret de 2016 , en janvier de cette année 2025, le taux minimum passe de 50 % à 60 %. Cette réglementation ne prévoit pas de continuer à intégrer plus matériaux biosourcés. Pour David Violleau, le problème est que ces sacs « se fragmentent et on ne les voit plus. Pourtant, il reste toujours 40 % de microplastiques dans les sols. »
« J’aurais du mal à les mettre dans mon compost, surtout s’il y a du végétal avec. J’ai peur que ces sacs soient un alibi pour continuer dans des pratiques qu’il faudrait supprimer. La question de fond, c’est surtout pourquoi on continue toujours avec des produits jetables ? », s’inquiète Alain Blanchet, vice-président de la Sepant, qui plaide pour la réduction de déchets.
Charlotte Boutefeu