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Zéro Déchet Touraine

Non au carbofascisme

Vie de l'asso – jeudi 20 juin 2024

Zéro Déchet Touraine souhaite alerter la communauté tourangelle des risques pour la transition écologique et les libertés associatives d’une arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

49.3 bonnes raisons d’en vouloir à Macron

               Rarement, on a pu assister à une telle période d’incertitude politique en France. Limogeages, démissions, purges, alliances surprises et coups de théâtre se succèdent au sein des partis politiques depuis l’annonce d’Emmanuel Macron, le soir des élections européennes, de dissoudre l’Assemblée nationale. Fidèle à ses habitudes, le Président Macron a agi unilatéralement et par orgueil, insensible aux conséquences de ses actes car persuadé qu’elles ne l’atteindraient pas. Probablement une fois de trop.

               Déjà, cette décision nous impacte. Elle est à l’origine du report de la mise en œuvre du troisième plan national d’adaptation au changement climatique, dont l’annonce n’en finit plus d’être retardée. La dissolution a aussi provoqué l’ajournement sine die du dévoilement de la stratégie nationale bas carbone, qui devait intervenir le jeudi 13 juin 2024 et la mise en suspens du projet de programmation pluriannuel de l’énergie (PPE) dont dépend la filière de la production renouvelable d’électricité. Mais le pire est peut-être à venir.

               Car une arrivée au pouvoir des partis d’extrême droite serait catastrophique, non seulement pour toutes les personnes opposées ou opposables à leur projet ethno-nationaliste mais aussi pour la préservation de l’environnement, support physique de nos conditions d’existence, et pour toutes les associations qui, comme la nôtre, les défendent.

Monsieur moins

               Le parti de Jordan Bardella a annoncé, lors de la campagne des européennes son intention d’abroger des pans entiers du pacte vert pour l’Europe. Il a notamment souhaité revenir sur l’interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035, ce qui contribuerait à prolonger des niveaux insoutenables d’émissions de gaz à effets de serre (GES) et à poursuivre la diffusion de polluants atmosphériques, responsables de la mort de dizaines de milliers de personnes chaque année en France. En septembre 2023, le RN a voté contre le relèvement à 42,5 % de l’objectif de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale d’ici à 2030. Nucléariste béat, J. Bardella veut aller plus loin : il a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de mettre en place un moratoire, c’est-à-dire une suspension, du développement de la production d’électricité à partir d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques, des technologies pourtant indispensables à la baisse des émissions françaises de GES et trop peu présentes dans notre mix énergétique. Il y a probablement des progrès à accomplir pour favoriser l’acceptation sociale des projets d’énergie renouvelable (par exemple en développant le modèle des coopératives d’énergie renouvelable citoyennes et solidaires et en consolidant leurs services visant à la sobriété et l'efficacité énergétique). Il faut aussi soutenir les rares entreprises françaises du secteur et les protéger de la concurrence déloyale chinoise. Mais il n’y a rien à espérer du nucléaire, filière opaque qui n’a jamais fait la preuve de sa rentabilité, de sa sécurité, ou de sa soutenabilité et qui produit chaque année par dizaines de tonnes, les déchets les plus dangereux que l’humanité ait jamais générés. Dépourvu d’idées en propre, Jordan Bardella se contente d’empêcher la mise en œuvre de celles des autres. C’est Monsieur moins.

               Alors qu’ils se prétendent champions du souverainisme, Bardella et les autres députés RN se sont abstenus lors du vote sur la taxe carbone aux frontières de l’UE, un mécanisme permettant pourtant de lutter contre le dumping social et environnemental et pouvant créer une manne pour financer la transition écologique. Nicolas Bay (Reconquête !) a tout simplement voté contre. Depuis 1995, la consommation de pesticides dans le monde a augmenté de 80%[1], avec des conséquences désastreuses pour la santé publique, la qualité de l’environnement, les pollinisateurs, la faune du sol, les milieux aquatiques, etc. Le RN, qui dit défendre une « écologie de bon sens », s’est pourtant allié à la droite et à l’extrême droite européennes pour considérablement affaiblir les ambitions du pacte vert en matière de réduction des pesticides. Pour quelle raison supérieure ? Pour ne pas aboutir à une baisse des rendements, selon le chef de groupe RN, Jean-Paul Garraud[2]. L’agriculture du futur dont rêve le RN c’est donc l’agriculture intensive actuelle, productiviste et toxique comme jamais. Idem sur la question de la biodiversité, où le RN a voté contre la restauration d’au moins 20 % des zones terrestres et maritimes de l’UE d’ici à 2030, notamment afin de protéger les abeilles, les papillons, les oiseaux et les tourbières... Même positionnement aberrant, enfin, sur la question des déchets d’emballages : en avril 2023, le RN a voté contre un texte fixant un objectif de baisse de 10 % de ces déchets d’ici à 2035, en prétendant défendre un patrimoine national en danger, les boîtes de camembert… qui n’étaient en fait pas concernées !

Madame trop

               En matière de climat, le Rassemblement national[3] est pleinement climatosceptique, en cela qu’il s’oppose à la mise en œuvre de mesures d’atténuation du changement climatique. Marine Le Pen sait que l’heure n’est plus au déni frontal de la responsabilité humaine dans le bouleversement en cours, comme le clamait papa. Elle préfère instiller une autre rhétorique, inspirée par Hervé Juvin[4] : celle qu’on en ferait trop, en matière de climat ou de biodiversité, qu’on ennuierait les « vrais » écologistes que sont les « enracinés » (comprenez les propriétaires terriens « de souche ») : « celui qui est enraciné, il est écologiste (…) parce qu'il ne veut pas pourrir la terre sur laquelle il élève ses enfants. Celui qui est nomade, il s'en moque, de l'écologie, car il n'a pas de terre ! » (Discours de Mer, 13/04/2019[5]). Passons sur la responsabilité historique des éleveurs et cultivateurs intensifs sédentaires vis-à-vis de l’effondrement de la biodiversité et les pollutions multiples, l’idéologie politique ne s’embarrasse pas de réalités factuelles. Ce positionnement simpliste permet de disqualifier en creux ceux qui ne possèdent pas la terre, n’ont pas d’enfants ou ne sont pas d’ici : les pauvres, les néo-ruraux, les écolos, les migrants, les saisonniers, les scientifiques, tout cela à la fois sans doute, un melting-pot d’indési-arables rejetés en bloc à cause de ce qu’ils sont et non à cause de ce qu’ils auraient commis. Il permet surtout au RN de conjurer sa plus grande trouille : que la population compatisse un jour avec le sort de ces millions de déplacés qui subissent les conséquences de notre mode de vie et que, s’autonomisant enfin d’un discours anxiogène et xénophobe déversé ad nauseam par les médias du groupe Bolloré, les français puissent légitimer le droit des réfugiés climatiques et/ou économiques à vivre une vie meilleure. Tout comme eux. Car le nomade a peut-être aussi des enfants dont il se soucie et des compétences dont il pourrait faire bénéficier notre société, en commençant par nos zones rurales désertées... Je connais très bien un petit village de Touraine qui est allé chercher son unique médecin en Roumanie, où l’aîné de l’un des très rares foyers issus de l’immigration est un jeune sapeur-pompier volontaire et exemplaire, et où aucune exploitation maraîchère ne fonctionnerait sans les indispensables saisonniers étrangers. En ce lieu si dépendant de « l’autre », à un jet de pierre de Maillé, village martyr de la division SS Götz von Berlichingen, les trois partis d’extrême droite ont cumulé ce dimanche 51,41% des suffrages exprimés. Sans doute parce qu’on y est trop loin de tout, des services publics, de la culture (non agricole), des fruits de la croissance, des idées neuves, mais surtout de la compassion et de la gratitude. Selon le Collectif Zetkin, au sein duquel œuvre Andreas Malm[6], le climatoscepticisme au service d’un projet ethno-nationaliste (un peuple, un pays) a un nom, le carbofascisme, et un objectif : celui de sauver une nation supposément en péril[7], grâce à la puissance offerte par l’exploitation du capital fossile primaire. A mesure que la terre se réchauffe, il n’est guère étonnant, selon le collectif, que la défense du climat et l’antifascisme tendent à ne former qu’un seul et même combat[8].

Intimidations

               Et les manoeuvres ont déjà commencé contre ceux qui s'opposent à l'ascension des aspirants carbofascistes. Selon Le Monde[9], « lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) à l’automne 2023, des députés RN avaient déposé un amendement proposant de couper les subventions publiques à différents collectifs, notamment le Réseau Action Climat (RAC), Les Amis de la Terre et France Nature Environnement ». Dans ce PLF, et lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole suivant, les députés RN ont tenté de mettre fin à la défiscalisation des dons aux associations dont certains membres seraient reconnus coupables d’actes d’intrusion ou de dégradation[10]. Comment ne pas y voir une grossière tentative d’éliminer des organisations salutaires prônant la désobéissance civile, en particulier contre des infrastructures agricoles, minières, autoroutières ou industrielles très impactantes et souvent illégales ? Le RN ne fait ici que prolonger un mouvement de criminalisation des associations environnementalistes, initié par E. Macron et Gérald Darmanin (un autre adepte de la dissolution) et qui s’est soldé par la cinglante réhabilitation des Soulèvements de la Terre par le Conseil d’Etat. Marion Maréchal, un temps héroïne de Reconquête avant sa disgrâce, a d’ailleurs proposé de relancer la prospection et l’extraction de gaz de schiste, les programmes de recherche et d’exploitation des minerais stratégiques et le soutien à la construction de bassines et de retenues d’eau collinaires. Au cours de sa campagne européenne, elle a tout bonnement proposé d’arrêter le volet environnemental de la PAC, au nom de la valorisation de la production et de la souveraineté alimentaire, d’abandonner les objectifs de production en bio et de supprimer le plan Ecophyto. On se demande comment il serait possible de continuer à produire des denrées agricoles saines dans un environnement plus pollué, par des agriculteurs qui continueraient à mourir de leurs propres épandages ? Nous ne croyons pas que préserver toutes les vies, même celles des enracinés, ne serve aryen.

               Partout dans le pays, des associations environnementalistes, défenseuses des droits humains, des femmes, des personnes LGBTI, des militants engagés pour la défense des minorités, sortent de leur habituelle neutralité politique et se mobilisent, à l’appel de la Ligue des Droits de l‘Homme, contre l’extrême droite. C’est notamment le cas de Greenpeace France, Action Justice Climat, Action non-violente COP21 (ANV-COP21), Agir pour l’environnement, Alternatiba et Zero Waste France, dans la sphère environnementaliste[11]. Nous les rejoignons aujourd’hui dans leur dénonciation des risques que représenterait, près de 80 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, le retour de cette idéologie mortifère car nous savons qu’un autre monde est possible sans elle. Jamais nous n’avons eu autant besoin de liberté, d’égalité et de fraternité. L’extrême droite, dont le projet de société est attentatoire à l’état de droit, profondément inégalitaire car discriminatoire a toujours été et restera toujours en dehors du projet républicain. Les groupuscules d’extrême droite sont identifiés depuis un rapport d’enquête parlementaire de 2019[12] comme porteurs d’une triple menace (risque terroriste, risque de violence, risque pour la paix sociale), ce qui en fait le second mouvement le plus menaçant pour la République française, après le terrorisme islamiste. Loin d'être un bouclier contre l'islamisme politique, l'extrême droite est une menace supplémentaire contre nos vies et nos droits, nos aspirations et nos choix. Il n’y a par ailleurs aucune équivalence entre les extrêmes comme le prétend la propagande électorale du camp centriste : Depuis l’abandon du terrorisme politique dans les années 80 et bien que ses modes d’action la conduisent parfois à commettre des atteintes aux biens voire d’inacceptables violences contre les forces de sécurité, l’extrême gauche (la "vraie", celle pour qui LFI est trop modérée...) est au contraire un indéfectible rempart de notre société contre la menace identitaire. Elle est pourtant réprimée avec un zèle particulier, tandis que des groupes néo-fascistes et néo-nazis sont autorisés à parader[13], visages masqués et bras tendus, au cœur de nos villes et en toute impunité[14].

               L’Association Zéro Déchet Touraine est guidée par les valeurs d’action collective pour le bien commun et de non-violence. Nous ne pouvons donc pas accepter de rester muets et inactifs face au péril que représenterait l’accession au pouvoir d’une extrême droite qui n’a fondamentalement jamais renoncé à l’autoritarisme et à la violence contre les personnes et les biens. A Tours en particulier, ville natale du Waffen-SS Pierre Bousquet, cofondateur avec d’anciens miliciens, du Front National dont est directement issu le RN[15]. A Tours, où des membres du RN de la jeunesse mènent des actions conjointes avec le groupuscule néo-fasciste « Des Tours et des Lys »[16]. A Tours encore, où l’Union des Etudiants Tourangeaux (UDET), proche des Tours et des Lys, aurait revendiqué l’attaque d’étudiants grévistes aux Tanneurs, lors du mouvement de contestation de la réforme des retraites, selon le collectif antifasciste La Horde[17]. A Tours enfin, où le local du centre LGBTI de Touraine a été victime d’attaques répétées l’an dernier, que nous avons dénoncées, de la part de membres des milieux catholiques ultra-conservateurs. Nous invitons donc chacun à considérer ces éléments d’information et à voter et à faire voter en conscience lors des prochaines élections législatives.

Sébastien MOREAU

 

[3] Nom inspiré du Rassemblement National Populaire, parti politique collaborationniste et fasciste, actif de 1941 à 1944.

[4] Propagateur du mythe du « grand remplacement » et promoteur de « l’écologie civilisationnelle » qui assimile les étrangers à des espèces invasives.

[6] Auteur de « comment saboter un pipeline », livre honni de Gérald Darmanin.

[7] Les menaces existentielles pesant sur la race et le territoire, héritages considérés comme inestimables, seraient multiples : rétrogradation géopolitique, humiliation militaire, mélange racial, dégradation économique, perte d’identité, dégénérescence culturelle, déviance idéologique, …

[8] Zetkin Collective (2020) Fascisme fossile. L’extrême droite, l’énergie, le climat. La Fabrique éditions,

[13] L'article 1 de la Loi du 11 octobre 2010, dispose pourtant que « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Il y a donc un coupable laisser-faire.


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