Un an de compost collectif
On aime ailleurs… – mercredi 6 décembre 2017
Printemps 2016 : Ça passe de justesse à l’AG
C’est un préalable indispensable. Avant de se lancer dans l’aventure du compost collectif, il faut rallier son entourage au projet. Une majorité de copropriétaires doit voter « pour » à l’assemblée générale. Au terme d’un scrutin serré, les pro-compost l’emportent d’une courte tête. Par son enthousiasme et son pragmatisme (et une pincée de lobbying), Anne, qui fait partie du conseil syndical et a lancé l’idée, vient de convaincre une assemblée habituellement conservatrice.
Son argument massue ? La Mairie de Paris offre les investissements nécessaires ainsi que le suivi d’un expert en la matière – un maître composteur. Bientôt, trois bacs seront installés dans le jardin qui relie les sept bâtiments de notre immense résidence seventies située rue Saint-Maur, à Paris. Sur le moment, le triomphe des « pro » est modeste. Il s’agit d’éviter de braquer ceux qui étaient contre (par peur des odeurs, que cela attire les rats et autres nuisibles en tout genre, par exemple).
Été 2016 : On compte les troupes
Un peu d’organisation s’impose. Un carnet est tenu à la loge du concierge, pour lister les foyers qui souhaitent participer. Avant les grandes vacances, une trentaine de volontaires se sont déjà manifestés. Il suffit d’en réunir dix pour profiter de l’aide municipale, c’est donc gagné ! Anne, désormais « référente compost », se charge de recontacter les services municipaux pour qu’ils nous envoient le matériel promis (bio-seaux individuels, bacs en bois, « matière sèche »)…
Automne 2016 : J’me présente, je m’appelle Denis
Un samedi matin d’octobre, les résidents volontaires ont rendez-vous au jardin pour apprendre à composter collectif. Denis, maître-composteur envoyé par la Mairie, est le chef d’orchestre de la matinée.
- Matos livré : check.
- Emplacement des bacs validé par le conseil syndical : check.
On peut se lancer !
Au programme : présentation globale, questions / réponses, do’s & don’t, installation des trois bacs : un pour la collecte, le deuxième pour conserver la matière sèche qui devra accompagner chaque apport, et enfin le troisième pour permettre, un fois le bac rempli, de laisser « maturer » notre collecte. Plusieurs mois sont nécessaires à sa transformation en compost, cette matière ultra-fertile qui se rapproche de l’humus forestier. Le nôtre servira à booster les plantations du jardin et sera distribué aux participants qui en voudront pour leurs jardinières personnelles. La matinée s’achève avec la distribution des « bio-seaux », ces petites poubelles individuelles pour déchets végétaux.
Hiver 2016-17 : Ça chauffe!
Denis avait expliqué qu’un compost en bonne santé dégageait de la chaleur, (jusqu’à 70° au cœur du tas). Il avait bien fait de prévenir : la fumée peut étonner quand on soulève le capot ! L’hiver passe et le bac 1 se remplit à vue d’oeil. Dès Noël, il faut batailler pour trouver de la place. Peu après, il est temps d’utiliser le bac 2, et de mettre le premier au repos. Malgré le nombre important de participants (50 foyers à ce stade, notre enthousiasme est contagieux), peu d’erreurs sont commises, à part un plateau de coquilles d’huîtres qu’il a fallu récupérer une par une et le grand classique de la jardinière grillée… Vidée avec sa vieille terre. Un mail rappelle les règles d’or aux étourdis.
Printemps 2017 : Des moucherons et des bourgeons
Tout le monde a tendance à se focaliser sur les épluchures, oubliant l’équilibre à trouver avec la matière sèche. Résultat des courses : des moucherons élisent domicile par milliers dans le bac (mieux vaut s’y préparer quand on ouvre !).
Lors d’un contrôle de routine, Denis nous conseille d’ajouter davantage de serviettes en papier, essuie-tout usagés (sans gras) et boîtes d’œufs : la cellulose qu’ils contiennent équilibrera le bac. Notre « production » étant encore en augmentation, il faut déjà faire de la place pour la rotation. Le bac 1, assez dégradé pour être épandu, est versé au pied de massifs de plantes fatiguées par une terre appauvrie. En à peine quelques semaines, c’est l’explosion de bourgeons, et des plants « mystère » semblent pousser…
Été 2017 : Un jardin à croquer
En fonction des congés des uns et des autres, des volontaires se relaient pour aérer les bacs avec le « tire-bouchon », un drôle de ressort géant. Au retour des vacances… Surprise ! Tomates, courges et potimarrons squattent la plate-bande. Les jardiniers chargés de l’entretien de l’espace ont installé des tuteurs. Déguster une tomate (cerise ou verte) est la petite récompense de ceux qui viennent vider leur bio-seau.
Automne 2017 : Récolte et autonomie
Mi-octobre, un an quasi jour pour jour a passé depuis les premières collectes, et le bilan est positif. Finalement, composter devient très vite un réflexe naturel. C’est même l’occasion de descendre au jardin le week-end ou de papoter entre voisins dans l’ascenseur. Denis intervient une dernière fois pour nous guider dans la récolte et le filtrage. Il reviendra dans un an, pour suivre l’évolution du site. Les moucherons ne sont qu’un mauvais souvenir, mais c’est la fête du vers de terre (signe de bonne santé du compost). Les participants intéressés repartent avec un petit sac, et le reste sera épandu dans le jardin.
Des courges de toutes tailles ornent la plate-bande (Denis nous fait remarquer que nous avons lancé l’air de rien un « potager en permaculture »). Même celle qui me semblait pourrie se révèle en réalité comme étant une citrouille verte. De quoi faire une soupe « plus-locale-tu-meurs » en plein Paris !
PAR JULIETTE LABARONNE, 6 DÉCEMBRE 2017 - La Ruche qui dit Oui