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Zéro Déchet Touraine

Non au délit de blasphème anti-républicain!

La nouvelle Loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme vient d’être adoptée le 1er juillet 2021, en seconde lecture par l’assemblée nationale. L'un des articles de cette Loi instaure une sorte de délit de blasphème anti-républicain. On vous explique en quoi ce texte pose problème.

La nouvelle Loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme impose notamment, dans son Article 10-1 que :

« Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9‑1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :

  •  1° À respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;

  •  2° À ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;

  •  3° À s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. »

Un bazooka législatif en guise de tapette à mouches

Sous couvert de lutter contre des associations se revendiquant de l'islamisme radical, c’est tout le tissu associatif qui se retrouve désormais interdit d’actions dérangeantes, sous peine d'être privé de subventions. De plus ce texte va à l'encontre des statuts et des objectifs de la plupart des associations françaises.

Comme bon nombre d'associations, nos statuts prévoient en effet que notre association s’interdit tout engagement partisan, financier, religieux, syndical ou corporatiste. Un interdit qu'il importe de respecter, notamment en période électorale, où le poids des associations pourrait peser lourd dans les élections. Cette neutralité est aussi la condition d'un exercice serein de nos activités auprès de tous les publics. Mais si nous acceptons bien volontiers, et assez souvent, de remplir des missions de service public, le but que nous visons est de concourir à l'intérêt général, pas de devenir les supplétifs de l'état français. Les subventions que nous recevons n'achètent pas notre soumission ou notre force de travail; elles constituent le pendant financier aux moyens financiers, humains et matériels que nous engageons librement pour le bien commun.

Les associations qui s'interdisent tout engagement partisan ne devraient pas avoir à respecter davantage les symboles de l'idéologie républicaine que ceux d’autres idéologies politiques. L'Etat doit aussi garantir une équité de traitements entre acteurs économiques. Pourquoi les mêmes obligations n'ont-elles pas été imposées aux entreprises subventionnées? Est-ce parce que celles-ci sont déjà exemplaires en matière de liberté, d'égalité et de fraternité? Ne dit-on pas que la démocratie s'arrête à la porte des entreprises?

Au vrac, citoyennes...

Si nous souhaitions parodier les paroles de la Marseillaise ou emballer des déchets dans un drapeau tricolore, deux symboles de la République, nous devrions pouvoir le faire aussi librement que si nous parodions l'Internationale ou que nous détournions une devise royaliste ("Montjoie Saint-Denis! Que trépasse en déchetterie!"). Et sans qu’il nous en coûte un centime de subventions publiques, bien sûr.

Deuxièmement, la devise républicaine n'est pas un horizon absolu. Nous n’avons pas attendu cette loi pour appliquer des principes qui l'englobent et la dépassent. A "liberté", "égalité", "fraternité", nous ajoutons en effet tous les jours "sororité", "indépendance", "transparence", "action collective pour le bien commun", "non-violence" et "persévérance". Par bien des aspects, nous sommes plus républicanistes que les idéologues radicalisés qui ont tenu la main du législateur. Sur le fond du sujet de déférence qui nous est désormais imposé, il y aurait aussi beaucoup à dire car la 5ème République ne fait plus l'unanimité. Qui peut croire encore que cette république-là est toujours « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », lorsqu'une poignée d'oligarches et de technocrates peuvent s'arroger les pleins pouvoirs pendant 5 ans ? Cette république de général mort, vidée de sa substance démocratique et qui menace pour qu'on la respecte, n'a-t-elle pas déjà perdu la bataille du peuple ? Si certains observateurs évoquent le retour du Directoire, parlent de République sans la démocratie, ou d'avènement d'une ère pré-fasciste, ce n'est sans doute pas un hasard.

Ensuite, nous n’avons pas de leçon sur la laïcité à recevoir d’un parlement aux ordres d'un Président de la République française qui a été le premier à visiter officiellement le sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes et qui a déclaré en 2018 vouloir « réparer le lien entre l’église et l’état » qui, selon lui « s’est abîmé ». Quel lien peut-il exister entre une république laïque et une institution religieuse rétrograde en matière d'égalité des droits et gangrénée par une pédocriminalité systémique, que l'engagement social et écologiste sincère du pape actuel et de millions de pratiquants ne saurait faire oublier ? Si Monsieur Macron ne souhaite pas que nous remettions en cause le caractère laïc de la République, qu'il donne d'abord l'exemple en respectant lui-même ce principe et en cessant de s'afficher auprès de l'électorat traditionaliste dans le cadre de ses fonctions quand approche une échéance électorale... Et qu'il mette fin au régime d'exception dont bénéficie la défiscalisation des dons pour la reconstruction de Notre-Dame.

Enfin et surtout, il nous faut absolument dénoncer cet odieu chantage à la subvention, dont l’unique but est de ne plus nous voir agir librement dans les rues. L’urgence climatique et environnementale nécessiteront forcément des actions plus radicales, plus dérangeantes et plus fréquentes à l'égard des dirigeants de ce pays et des groupes d’intérêt privés. Accepter de renoncer à toutes formes d’action qui pourraient constituer un trouble à l’ordre public (comme par exemple une harangue publique non déclarée à la sortie des grands magasins en période de Black Friday ou une opération anti-pub joyeusement foutraque et subversive), c’est tout simplement renoncer à l’essence même de notre engagement au service de l’intérêt général : notre espérance en un monde meilleur.

Sébastien Moreau


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