Le nouveau centre de tri des déchets de Tours sera un désastre
Revue de presse – mardi 20 décembre 2016
Avec des solutions simples, Sébastien Moreau préfère aider les Tourangeaux à jeter moins pour protéger l’environnement et faire des économies.
Chez Sébastien Moreau, c’est pratique, on ne se bat pas pour savoir qui descend la poubelle. Ce biologiste de l’université de Tours se vante de ne produire que 2kg de déchets par an, il nous en avait d’ailleurs déjà parlé l’an dernier à l’approche de la COP21. Enfin, dans ces 2kg, il ne compte pas tout ce qu’il composte ou le verre qui se recycle à 100%. « Ce sont quelques plastiques mous, des emballages de gâteaux quand je suis pris par le temps et que j’achète un paquet pour mes enfants, un autocollant posé sur un fruit, des élastiques… »
Il en est persuadé : faire en sorte de réduire le poids de nos poubelles nous aide à faire des économies, à nous et à la collectivité. Après trois ans d’engagement personnel et l’animation de plusieurs conférences dès 2015, Sébastien Moreau participe aujourd’hui au lancement de Zéro Déchets Touraine, association dont le but sera d’apprendre les bons gestes aux consommateurs… mais aussi aux producteurs, aux industriels ou aux pouvoirs publics.
En France, l’ADEME estime que l’on produit 500kg de déchets par an et par personne, un chiffre qui comprend tous les déchets industriels. En réalité, chaque ménage jette en moyenne 200kg en 12 mois, « c’est 198kg de trop » affirme Sébastien Moreau… mais loin de lui l’idée de forcer tout le monde à faire comme lui. « On peut-être dans une démarche zéro déchets et ne réduire le poids de ses poubelles que de 15%. Ce qu’il faut, c’est le faire de manière systématique et volontaire. »
Bref, c’est l’intention qui compte, l’idée étant de ne pas culpabiliser : « il faut insister sur les conséquences liées à nos choix de consommation, inciter à la modération, proposer un produit équivalent en vrac (sans emballage) ou fait maison. » Donc le Kinder, on a le droit… mais en se souvenant « que son emballage a une durée de 20 ans alors que la barre chocolatée est périmée en 18 mois, et qu’en plus il n’est pas recyclable donc il sera incinéré ou enfoui. »
« Le secteur des déchets est un acteur majeur du réchauffement climatique : c’est 2 à 3% des émissions de gaz à effet de serre, plus que le transport aérien » explique Sébastien Moreau qui qualifie le projet de nouveau centre de tri prévu par Tour(s)Plus d'ici 2020 (à Joué-lès-Tours) de « désastre industriel, économique et écologique ». « C’est un projet très coûteux, à 60 millions d’euros. A Angers, c’était pareil mais au final il a fallu 25 millions de plus car le prestataire n’a pas pu utiliser immédiatement l’infrastructure. Et puis si on le construit, il va falloir l’alimenter. C’est donc une solution qui appelle à la production de déchets. »
En plus, selon l’universitaire, il y a des solutions beaucoup moins coûteuses : « si un tiers des Tourangeaux adoptait une démarche zéro déchets on pourrait faire baisser la taxe des ordures ménagères de 20%. Et si l’on finançait 8 000 composteurs collectifs pour les immeubles et les quartiers, ça coûterait seulement 240 000€ et on pourrait réduire de 30% le poids des poubelles de l’agglo. »
Avec Zéro Déchets Touraine, Sébastien Moreau espère donc ouvrir un espace de discussion constructif avec les mairies ou la future métropole… et il a des propositions : « il faudrait travailler à la propreté des points d’apport volontaires qui ressemblent à des déchetteries à ciel ouvert au lendemain de chaque fête. On manque aussi d’une laverie intercommunale pour le textile ou la vaisselle. Ca créerait de l’emploi et permettrait aux associations ou aux entreprises de laver de la vaisselle ou des objets consignés (pots de yaourt ou de miel, verrines de traiteurs…). On pourrait aussi y mettre des lave-linges pour nettoyer des couches lavables collectées et rapportées aux familles par des prestataires en triporteur. Et ça ne coûterait pas plus cher que d’acheter des couches à usage unique en magasin. »
Cela dit, Sébastien Moreau ne veut pas tuer le métier d’éboueur ou d’employé de centre de tri, il veut juste essayer de faire migrer ces salariés vers des postes plus qualifiés et moins pénibles, plus valorisants : « ils pourraient accompagner la population pour des gestes de tri plus efficaces ou permettre des tournées plus régulières de la Trimobile, la mini déchetterie mobile qui va sur les marchés. » Le biologiste plaide aussi pour la création de zones de gratuité dans les déchetteries, des boîtes où on pourrait laisser les objets encore capables d’être réparés ou de resservir (pour des particuliers ou des associations) au lieu de les lancer dans la benne.
Le gros dossier de Zéro Déchets Touraine sera de convaincre les entreprises de s’engager : « avec nos membres, nous pourrons leur proposer un panel de consommateurs attentifs sur les questions d’emballages et de déchets, leur suggérer des améliorations en terme de durée de vie ou de réutilisation. Ca leur permettrait aussi d’identifier des sources pour des gains de productivité » expose Sébastien Moreau.
D’un côté, de la bienveillance, de l’autre, de la vigilance : « les zones commerciales, elles sont très proprettes comme ça mais derrière les entrepôts on jette plein de choses dans la nature, les bennes débordent de polystyrène. On va aller rencontrer les gérants pour leur faire des propositions : soit on vous accompagne et on communique sur vos efforts, soit on publie ces photos et on vous laisse prendre vos responsabilités. »
Ca pourrait aussi marcher pour des événements culturels, comme des festivals : « on en a accompagné La Pucelle l’été dernier à Ste-Catherine-de-Fierbois… et on a produit 20g d’ordures par festivalier. Terres du Son, qui se revendique comme un festival écolo, c’est 23 fois plus par personne et un total de 55 tonnes de déchets » pointe le Tourangeau dont l’association, qui s’inscrira dans un réseau de différentes structures citoyennes, prévoit aussi des animations en milieu scolaire ou un guide avec des astuces pour les familles (points de vente en vrac, bons gestes du quotidien…). Une douzaine d’autres associations similaires existent en France (Strasbourg, Paris, Grenoble, Corse…) « et on pourrait rapidement atteindre les 1 000 membres » espère Sébastien Moreau.
Olivier COLLET
La première grande AG de Zéro Déchets Touraine avec l’élection du bureau aura lieu le 12 janvier à 18h à l’IUT de Tours, Rue du Pont Volant. Plus d’infos sur le site officiel de l'association.