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Zéro Déchet Touraine

France 3 joue au jeu du "Ni Oui", "Ni Non", "Ni Zéro Déchet "!

Revue de presse – lundi 23 avril 2018

France 3 Centre Val-de-Loire a diffusé, ce dimanche 22 avril, une bien curieuse émission consacrée à la gestion des déchets, à laquelle nous avions été conviés dans un premier temps, avant d'en être débarqués sans explication.

Le zéro déchet dérangerait-il la rédaction? L'un de ses invités ? Les deux? Nous avons mené l'enquête...

Un curieux pitch qui évite soigneusement l'expression "Zéro Déchet"

Outre qu'elle nous annonce par erreur deux Mr Galliot pour le prix d'un, la présentation de l'émission du 22/04/2018 publiée sur le site de France 3 Centre-Val-de-Loire par son rédacteur en chef-adjoint, Franck Leroy, évite soigneusement de faire apparaître l'expression "Zéro Déchet". Pourtant, c’est bien de zéro déchet qu’il s’agit et l'évitement est trop systématique pour être une omission involontaire.

Nous vous livrons ce texte in extenso avant de le commenter plus bas:

« Par Franck Leroy / A. Lps Publié le 16/04/2018 à 07:30 Mis à jour le 23/04/2018 à 10:06

Le « consommer plus intelligemment » pour produire moins de déchets est une réalité quotidienne. Une pédagogie reste à conduire pour amener le plus grand nombre vers cet état d’esprit, mais le mouvement est amorcé

Cette question a définitivement dépassé le stade des simples convictions personnelles.
C’est aujourd’hui un mode de société qui est en marche. Avec la prise de conscience très concrète de la nécessité de diminuer notre production de déchets.

Au sein des familles, une attention est dorénavant portée à cette question. Le « consommer plus intelligemment » pour produire moins de déchets est une réalité quotidienne. Une pédagogie reste à conduire pour amener le plus grand nombre vers cet état d’esprit, mais le mouvement est amorcé. Des campagnes sont régulièrement lancées. Des conseils sont donnés. Un accompagnement existe pour apprendre les bons gestes de consommation, de tri et de rejet.

Les professionnels sont de plus en plus nombreux à adhérer à ce principe de société. Dans tous les domaines. Dans les métiers de services par exemple, on consomme moins, autrement, mieux, pour moins jeter ou rejeter.

Parallèlement, le traitement des déchets évolue. Le tri sélectif contribue à optimiser les chaînes de traitement. Les produits finis (après traitement) sont valorisés, réutilisés. Ils peuvent même servir de combustible pour nous chauffer. Il s’agit d’un cercle vertueux qui se met doucement en place. Une « écologie collective » de mieux en mieux comprise par le plus grand nombre.

Pour en débattre dans l'émission du dimanche 22 avril à 11h30, Franck Leroy recevra 

  • Jean-Luc Galliot, vice-président de Tours Métropole, délégué au développement durable, à la collecte et à la valorisation des déchets
  • Éric Lachabrouillé, directeur de Tri 37
  • Jean-Luc Galliot, Tours Métropole, délégué au développement durable, à la collecte et à la valorisation des déchets »

Fin de citation.

Un glissement sémantique qui sent la novlangue à plein nez...

Arrêtons-nous quelques instants sur le choix éditorial de Mr Leroy de remplacer l'expression "zéro déchet" par "consommer plus intelligemment".

En faisant disparaître le terme de « déchet », l’expression « consommer plus intelligemment » agit comme un distracteur, évitant de considérer les déchets comme un risque à réduire et mettant l’accent sur la nécessité de consommer davantage et de manière plus rationnelle. Nous assistons alors à un renversement de valeurs: on passe d'une invitation à la modération via une démarche systématique et volontaire de réduction des déchets à la source, multiforme et sobre par nature, à une injonction contraire à "consommer plus". L'usage de l’adverbe "intelligemment" ne fait que préciser le sens de ce « consommer plus ». Il nous renvoie à l'un des mythes les plus tenaces des XIXème et XXème siècles, celui des bienfaits supposés d’une société industrielle rationaliste guidant les peuples hors de l’obscurantisme de la sobriété grâce à ses cornes d’abondance technologiques. Un conte pour enfants décrit dès 1932 par Bergson : « Longtemps il avait été entendu qu'industrialisme et machinisme feraient le bonheur du genre humain » (Bergson, Deux sources, 1932, p. 310) et critiqué depuis par les principaux idéologues de la décroissance, dont Serge Latouche, Paul Ariès, Vincent Cheynet et Jean Gadrey.

Là où le zéro déchet fixe un cap en matière de réduction des déchets, que chaque personne est libre de suivre de manière plus ou moins prononcée et de la façon qui lui convient le mieux, le « consommer plus intelligemment » de Mr Leroy enferme en fait les citoyennes et citoyens dans une seule proposition d’action (« consommer »), sans marge de manœuvre véritable : qui ne consommera pas plus intelligemment, consommera en effet bêtement, idiotement, imbécilement, maladroitement, sottement, …, autant de jugements et d’antonymes repoussoirs qui culpabilisent l’individu, préalable indispensable à sa manipulation.

Un certain nombre de lobbys industriels et commerciaux tentent ainsi régulièrement de nous convaincre qu'ils œuvrent chaque jour pour le bonheur de l'humanité grâce à des produits et services « intelligents ». Selon Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, l'intelligence artificielle sera l'avenir du genre humain. Les réseaux énergétiques intelligents (« Smart Grids »), dont le Linky est la pierre angulaire, sont présentés comme incontournables par ENEDIS. La société Monsanto recycle actuellement sa technologie de plantes génétiquement modifiées en une stratégie d’ « Agriculture Climatiquement Intelligente » (Climate Smart Agriculture). Or, dans le monde de l’entreprise privée, la notion d’intelligence désigne également tout autre chose : l’intelligence marketing, sous-ensemble de l’intelligence économique et complément de l’espionnage industriel, et le management de l’intelligence collective des équipes de travail permettent tout simplement aux marketeurs intelligents d’établir des stratégies plus efficientes pour augmenter la profitabilité de l’entreprise… L’intelligence est donc ici promue en tant que facteur de production porté collectivement, au service d’intérêts particuliers. Tout le contraire donc du zéro déchet, qui promeut l’engagement individuel au service de l’intérêt général !

Déformation de la réalité, manipulation de masse, simplification de la langue, bienvenue chez George Orwell, créateur de la novlangue ! Ainsi malgré ses apparences anodines, l’expression « consommer plus intelligemment » proposée par Mr Leroy en remplacement de « zéro déchet » porte en elle un corpus de valeurs assez éloignées de l’esprit du zéro déchet. Mais pourquoi avoir privilégié une telle expression pour désigner ce qui constitue d’évidence une démarche zéro déchet ?

« Le zéro déchet, ça n’existe pas ! »

On pourrait penser que Mr Leroy de France 3, ignore tout simplement que le ZD existe.

PERDU!!

Mr Franck Leroy nous a contacté le 26 mars 2018 et a demandé avec insistance la participation d’un représentant de ZDT lors de l'enregistrement de l'émission prévu le 20/04/2018 au centre de tri de La Riche géré par COVED, pour le compte de Tours Métropole Val de Loire. Mr Leroy a également demandé à pouvoir interviewer un foyer engagé dans un défi zéro déchet. Nous avons accepté son invitation et nous l'avons mis en contact avec une personne venant tout juste de terminer un défi famille ZD à Chinon. Las! Mr Leroy a finalement renoncé à filmer le quotidien de ce foyer volontaire et nous a informé par courriel le 11/4 qu'il était contraint de reporter sine die l'intervention que nous aurions eu dans l'émission. Contraint par qui? On y vient...

Mr Leroy connaissait donc parfaitement l’existence du mouvement zéro déchet. Au cours de l’émission, il en a d’ailleurs nié la réalité et l’intérêt (passant ainsi du statut d'interviewer neutre à celui d'émetteur d'opinion) avant d’appeler Jean-Luc Galliot à la rescousse pour fournir de l’argumentation : « Mieux traiter tous nos déchets, d’accord, mais, je pense qu’il ne faut pas être utopique : le zéro déchet ça n’existe pas. Jean-Luc Galliot ?? »). Vous retrouverez ce passage à 12 minutes et 20 secondes du début de l'émission, ainsi que l'inénarrable embarras dudit Jean-Luc Galliot, qui l'a suivi. Hi hi!

L’explication est donc simple : Mr Leroy connait le ZD mais n’y croit pas, ce qui explique le choix de la circonlocution « consommer plus intelligemment ». Mais s’il voulait tout de même nous recevoir pour en parler, du coup, qui lui a fait changer d’avis ?

Zéro Déchet Touraine, persona non grata de France 3 ou de Tours Métropole Val de Loire?

En notre absence, c'est Gilles Deguet de la SEPANT, qui a accepté de faire entendre la voix des associations en faveur de la réduction des déchets à la source. Un grand merci à lui d'avoir su bondir au-dessus des chausses-trappes et des interdictions-de-s’exprimer-en-plus-de-2-phrases du journaliste et d'être parvenu à faire passer quelques messages que nous partageons pleinement! La SEPANT ayant été invitée à l’émission après notre éviction et y ayant défendu des positions similaires aux nôtres, on ne peut guère croire qu’elle soit à l’origine de la contrainte imposée à Mr Leroy.

Le second intervenant dans l’émission est Mr Lachabrouilli, Directeur de Tri 37. Il est peu probable qu’il soit à l’origine de notre mise à l’écart car le recyclage est l’un des 5 principes promus par le zéro déchet et parfaitement compatible avec celui-ci (moins on produit de déchets, plus il est devient simple de les trier).

Nous avons vu que Mr Leroy ne croit pas à l’intérêt du zéro déchet, mais qu’il souhaitait nous interviewer. France 3 a par ailleurs déjà diffusé un sujet sur l’association ZDT en janvier 2017. Précision importante : nous savons que c’est un technicien de la Métropole qui a appelé la SEPANT pour qu’elle remplace Zéro Déchet Touraine au pied levé et non un standardiste de France 3…

Reste l’invité principal de l’émission, Jean-Luc Galliot, vice-président de Tours Métropole Val de Loire, délégué au développement durable, à la collecte et à la valorisation des déchets, qui porte un projet controversé de nouvelle usine de valorisation des ordures ménagères (UVOM) à Mettray. Mr Galliot s’inquièterait-il de voir progresser le nombre de foyers, d’association, de communes et d’entreprises engagés dans une démarche zéro déchet sur le territoire de la Métropole ? Au point d’avoir exigé de France 3 que nous ne soyons pas présents sur le plateau de l’émission pour contester éventuellement les bases légales, environnementales et économiques de son projet ? Au point que le terme zéro déchet ait été soigneusement et volontairement mis à l'écart lors de l’émission ? Au point d’avoir obtenu de Mr Leroy qu’il se transforme sur le plateau en thuriféraire de la politique métropolitaine en matière de gestion des déchets ?

Nous pensions pourtant être un partenaire important de la Métropole, qui suit de près nos actions auprès des entreprises, des associations et des habitants, et qui soutient officiellement notre initiative de développement local du compostage partagé (nous avons participé à la formation de ses premiers guides-composteurs et la Métropole nous a fourni du matériel pour équiper certains sites que nous gérons sur convention). Mr Galliot a-t-il peur d'une association oeuvrant positivement sur la question des déchets, au contact de l'ensemble de la population?

C’est ce que nous comptons lui demander le jeudi 26 avril prochain à l’occasion d’une rencontre bilatérale, obtenue à notre initiative, dont le compte-rendu intégral sera diffusé publiquement sur notre site web.

En attendant, nous vous invitons à visionner cette émission instructive, quoiqu’à sens unique, révélatrice des crispations de certains acteurs médiatiques et politiques sur la question de la réduction des déchets à la source :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/emissions/dimanche-en-politique-centre-val-de-loire/gestion-dechets-centre-val-loire-1456991.html

Sébastien Moreau


« Emission du 17/04/2018 - Le déodorant zéro déchet - 26/02/2018 - La Nouvelle République "Un composcope bientôt mis en place" »